• p.5> Troisième partie > La Guyane au lendemain de la Première Guerre mondiale

    A) La joie de l'armistice et le retour des soldats

    l Une nouvelle accueillie dans la joie et l'inquiétude

    La nouvelle de la signature de l'armistice du 11 novembre 1918 est reçue en Guyane, comme en France, avec un immense soulagement. Le gouverneur de l'époque qui s'appelait Lejeune donna l'ordre de fêter l'événément en faisant sonner les cloches. Il fut décidé que les écoles et les services administratifs fermeraient le 16 novembre.: "[..] Prière pavoiser et faire sonner cloches en l'honneur de la victoire. Samedi écoles, bureaux et chantier seront fermés sauf permanence pour caisses publiques [...]", télégramme du gouveneur annonçant l'armistice, 11 nov. 1918, archives départementales de la Guyane in La Guyane et la Grande Guerre.

    Cependant, les familles sont inquiètes pour les soldats. Les nouvelles tardent à venir.

     l Un retour progressif des soldats au cours de l'année 1919

    Le retour des soldats en Guyane n'est pas immédiat compte tenu qu'à l'époque, la France est désorganisée et qu'il faut remettre de l'ordre dans l'administration sans compter la distance avec la métropole. Finalement la plupart des soldats guyanais retournèrent en Guyane au cours de l'année 1919. Les retours progressifs se firent entre février et septembre 1919.

     

    B) Des difficultés pour les anciens combattants et pour la Guyane

    l Des soldats fiers d'avoir porté secours à la France mais souvent en difficultés

    Les soldats guyanais ainsi que les autres soldats de l’armée coloniale avaient prouvé qu’ils pouvaient être d’un grand secours à la France. Le sang versé lors de la guerre 14-18 avait donné aux Guyanais le sentiment qu’ils appartenaient désormais sans discrimination à la nation française. Les porte-paroles de la population se disaient grandis par le fait d’avoir pu apporter leur contribution à la lutte de la France. Leur patriotisme avait donc mûri et l’amour qu’ils nourrissaient pour leur mère patrie avait grandi. Les maires, les conseillers généraux, les notables ou les simples citoyens de la colonie tenaient toujours, dans leurs actes publics, à proclamer leur « indéfectible attachement » à la France, pour reprendre leur expression la plus courante. Pourtant le retour à la vie normale pour les soldats était souvent difficile en particulier pour les blessés et amputés. Très souvent, ils se retrouvèrent dans l'incapacité de reprendre leurs activités professionnelles ou ne trouvèrent pas de travail. Beaucoup s'en tournèrent à l'Etat qui apporta une aide sans empressement et bien souvent modeste à anciens combattants qui se retrouvaèrent dans des difficultés voire la misère ainsi que leurs familles. La réinsertion professionnelle et sociale était encore plus difficile pour ceux qui avaient gardé des séquelles physiques (amputations, gueules cassées) et/ou psychologiques. Ainsi, certains furent même internés.

    Vu la faiblesse des aides de l'Etat et des autres strucutres d'aides, les anciens combattants s'organisent en associations pour manifester leur mécontentement. Certains réussissent  à obtenir une pension de l'Etat, d'autres ne se firent jamais recenser et ne demandèrent rien à l'Etat comme Aubin Pronzola ou Gustave Létard ce qui en dit peut être long sur leur traumatisme. En fait, il y eut une grande différence de traitement entre les soldats. Certains réussirent à trouver des emplois grâce à un coup de pouce...D'une façon générale la réinsertion fut facilitée en fonction de l'appartenance sociale et aussi par le fait d'être sorti indemne de la guerre. 

    Les soldats guyanais qui ont eu la chance de revenir du front auront le sentiment d’une dette de la  France à leur égard et ils ne manqueront jamais de faire valoir cela auprès des autorités locales pour obtenir un emploi, une pension…malheureusement pas toujours avec satisfaction.

    l La permanence des difficultés économiques de la colonie

    La fin du conflit et les baisses des exportations aurifères mirent en lumière toutes les difficultés économiques de la Guyane. Tout était pratiquement sur une seule production : l'or. L'inflation observée pendant pendant la guerre se poursuivit jusqu'au lendemain du conflit. Le débat fut lancé pendant le conflit de diversifier les productions et il est vrai qu'un relatif "retour à la terre" permit quelques améliorations en faisant diminuer la domination de l'or. Certes, les productions s'étaient diversifiés, des échanges avaient d'autres pays s'étaient développé mais finalement jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, l'économie de la Guyane reposera encore sur l'or, quelques exportations agricoles. Le développement de l'agriculture vivrière et la question du développement et de la dépendance de la Guyane allait encore se poser durant la Seconde Guerre mondiale et renforcer la volonté d'assimilation pour bénéficier des mêmes lois et des mêmes avantages sociaux que les départements métropolitains.

     

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    L'inflation en Guyane pendant et au lendemain de la Grande Guerre. Source La Guyane pendant la Grande Guerre, V. Huygues-Belrose, archives départementales.

      

    C) Le bilan humain et les premières actions de commémoration

    l Des communes et des familles endeuillées

    Les monuments aux morts de la plupart des communes de Guyane nous rappellent que des Guyanais sont morts sur les différents fronts de la Grande Guerre. 286 poilus guyanais sont morts lors du conflit soit environ 15% des effectifs engagés dans les combats.  Sur ce total, 123 étaient originaires de la commune de Cayenne mais ces soldats venaient de pratiquement toutes les communes de la colonie. Ce sont des fils, des pères, des frères qui sont morts et qui ont par conséquent laisser des familles endeuillées (ex: la femme du soldat Toussaint Clet , originaire de Sinnamary, était enceinte lorsqu'il mourut en 1916 en hivernage en Egypte). Il a aussi fallu créer des orphelinats tandis que les femmes se retrouvant veuves ont dû demander l'aide de l'Etat. Il faut ausi noter que durant le conflit, les femmes devant davantage se débrouiller par elles-mêmes, le travail féminin se développa.

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    l Les actions de commémoration dès les lendemains du conflit

    Pour commémorer les morts, une loi votée le 25 octobre 1919 prévoit le principe d’une subvention aux communes désireuses de participer à la commémoration et à la glorification des morts pour la France au cours de la Grande Guerre. 38 000 monuments prennent place dans les villes et villages de France y compris dans les « vieilles colonies ». La stèle de Cayenne est érigée en 1922 sur la place du marché. Progressivement, mais assez rapidement, la plupart des communes de Guyane participèrent à ce mouvement de commémoration en érigeant des monuments aux morts. 

      

    Retenir                                

    Après 4 ans de guerre et une participation qui débuta qu'à partir de mars 1915 pour les soldats guyanais, la fin de la guerre est accueillie bien entendu avec joie. Dès lors, les familles espèrent et guettent le retour des soldats. Ces retours ont lieu de façon éparpillée et progressive au cours de l'année 1919.

    Le retour à la vie civile pour les soldats est souvent difficile en particulier pour les blessés et mutilés. La réinsertion est plus facile pour les indemnes et pour les classes sociales les moins défavorisées. De nombreuses demandes d'aides et de pensions témoignent des difficultés des soldats auxquelles l'Etat ne répond pas toujours avec rapidité et à la hauteur des espoirs. Tandis que certains soldats ne demandent rien à la France, d’autres considèrent la nation ingrate envers eux. Avoir participé au conflit restera une fierté pour les intéressés et leurs familles. Ils s'en prévaudront souvent.

    Sur le plan économique, la participation au conflit a d'une façon générale plutôt appauvri la Guyane et aggravé les difficultés. On note cependant un retour à la terre et la volonté de diversifier les productions agricoles.

    La Guyane participe au mouvement de commémoration des morts de la Grande Guerre. Le monument aux morts de Cayenne est inauguré en 1922.